COMMENT ADOPTER LE «FRILUFTSLIV», L'ART DE VIVRE NORVéGIEN QUI RECONNECTE à LA NATURE

Marcher en forêt après le travail, prendre son repas autour d’un feu de camp, s’évader en pleine nature durant le week-end... Les habitants des pays nordiques entretiennent une relation particulière aux espaces verts qui les entourent. Cet art de vivre se nomme le «friluftsliv», un terme norvégien composé de trois mots - libre, air et vie - et que l’on pourrait traduire par la «vie au grand air». Ancré dans leur quotidien depuis des décennies, le concept dépasse le simple fait d’être dehors et pourrait bien contribuer à faire de la Norvège, la Finlande, le Danemark et la Suède, les plus heureux au monde.

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Au XIXe siècle, un besoin de retour au vert

Inventé dans les années 1850 par Henrik Ibsen, poète et dramaturge norvégien, «le friluftsliv décrivait alors l’état d’épanouissement et de bien-être que lui procurait la nature», nous informe Helga Synnevag Lovoll, professeure de friluftsliv et d'études de plein air à l'université de Volda, située dans les fjords de Norvège. À cette époque, la Norvège connaît une industrialisation et de nombreux agriculteurs et habitants des campagnes se retrouvent déplacés dans des villes. «Le friluftsliv devint alors pour eux un moyen de retrouver le lien à la nature qu’ils avaient perdu», poursuit Linda Åkeson McGurk, auteure suédo-américaine habitant en Suède, dont le livre La vie au grand air (1) est paru en mars 2024. Dans les années 1930, le concept devient synonyme de temps libre. Depuis, les citadins profitent de leurs congés pour se rendre en forêt, à la montagne ou au bord de la mer.

Le quotidien articulé autour de la nature

Au cœur de nombreux mythes et histoires racontés aux enfants, le concept se transmet de génération en génération. «Le friluftsliv fait aussi partie du programme des écoles maternelles et primaires en Suède, où le jeu en extérieur occupe une place centrale, avec des journées spécifiques réservées à la pratique d’activités de plein air», affirme l’auteure suédoise. En Norvège, une loi de 1957 («Friluftsloven») «codifie les droits de chacun d'accéder à la nature sauvage et de l'exploiter pour des activités de loisir respectueuses de l'environnement et procurant un sentiment de bien-être», lit-on sur le site du gouvernement. Dans tous les pays nordiques, le friluftsliv touche également la sphère professionnelle. «Il est commun qu’une heure de marche en plein air par semaine soit accordée dans les contrats de travail des employés», assure la professeure Helga Synnevag Lovoll.

«Le friluftsliv est un style de vie qui consiste à articuler notre quotidien autour de la connexion à la nature», résume l’auteure Linda Åkeson McGurk. Tous les jours de l'année, peu importe la météo, elle apprécie passer du temps dans son jardin ou dans les forêts avoisinantes. «J'aime observer les changements saisonniers et le comportement de la nature au fil des mois», confie-t-elle. Car c'est cela dont il s'agit : une immersion dans la nature. «Il est important pour nous de ne pas nous contenter d'être dans un espace vert, mais d'essayer de comprendre avec philosophie comment fonctionne notre environnement, complète l’enseignante Helga Synnevag Lovoll. Nous prêtons attention aux lieux pour entrer en connexion avec la nature.» Et chacun peut l’expérimenter. Il suffit parfois de s’asseoir dans la nature et de faire appel à ses cinq sens. En tendant l’oreille, on entendra par exemple le chant des oiseaux... «Il s'agit d'errer, d'être curieux, de s'ouvrir à ce que la nature nous propose, invite la professeure norvégienne. Plus on en est conscient, plus on peut sentir que cela fait aussi partie de nous.»

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Différents niveaux d’application

Le friluftsliv peut être pratiqué à plusieurs niveaux. Si certains préféreront aller cueillir des baies ou des champignons, d’autres acquerront également des «compétences pratiques de survie, telles que faire du feu, purifier l'eau ou construire un abri», explique l’auteure Linda Åkeson McGurk. Mais pour débuter, rien de plus facile, selon la spécialiste : «La première étape est simplement de savoir s’adapter à la météo pour choisir des vêtements adéquats au mauvais temps.»

Ensuite, il suffit de s’immerger dans un coin de nature, à commencer par les espaces verts qui nous entourent. On peut simplement marcher ou s’asseoir, mais toute autre activité extérieure peut faire partie du friluftsliv (vélo, camping, trail, course à pied...) «à condition que le loisir soit non motorisé et non compétitif, précise l’auteure suédoise. Car il s’agit de limiter son impact et de prendre soin de l’environnement.»

(1) La vie au grand air, par Linda Åkeson McGurk (Les Éditions de l’homme), 304 pages, 21 €.

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